La stratégie politique indienne face au dérèglement climatique dans le secteur agricole

Photo Credit: India - Jamnapur village, Bihar

La stratégie politique indienne face au dérèglement climatique dans le secteur agricole

Une agriculture entre forces et faiblesses

Ce que l’on constate
Deuxième population mondiale, troisième puissance économique mondiale, quatrième puissance agricole mondiale, l’Inde collectionne les superlatifs et pourtant, 400 millions d’Indiens vivent avec moins de 1 $ par jour, 212 millions sont sous-alimentés et le pays est classé par le Programme des Nations-Unis pour le développement (PNUD) au 127ème rang (sur 177) selon l’indice de développement humain (IDH)1.
Ce que l’on cherche à comprendre

  • Comment expliquer que ce pays, géant agricole et l’un des moteurs de la croissance mondiale, ne parvienne pas à garantir la sécurité alimentaire sur son territoire ?
  • Quelle stratégie s’offre à l’Inde au niveau national et, plus particulièrement, dans le cadre des négociations internationales ?

Sommaire

##L’agriculture indienne : un secteur économique de première importance

Le poids de l’agriculture dans l’économie indienne, bien qu’en recul, est considérable. S’il participe en 2005 à 22 % au produit intérieur brut (PIB) contre 51% pour les services et 27% pour l’industrie, il demeure le principal secteur d’activité dans la mesure où il emploie près des deux-tiers de la population active du pays.

En outre, l’Inde dispose d’une importante surface agricole utile (SAU) égale à celle de l’Union européenne : 180 millions d’hectares dont 140 millions d’hectares sont en culture soit environ 60% de la surface du pays.

Traversées par le Gange et bénéficiant davantage des bienfaits de la mousson, l’Indus et le Brahmapoutre (notamment la plaine de l’Assam, l’Uttar Pradesh et le Pendjab) sont, au nord du pays, les régions les plus fertiles, où se concentre la production agricole, particulièrement la canne à sucre et le blé.

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Carte - Principales aires agricoles en Inde. Extrait d'un manuel scolaire de classe de Seconde.
Source : sur les traces du maharaja.

Ces avantages « naturels » expliquent, en partie, sa place de leader pour de nombreuses productions agricoles.

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Tableau - L'Inde un producteur agricole majeur.

En 2007, l’Inde était le premier producteur agricole mondial de lait, de cheptel (boeufs, buffles, moutons et chèvres), de millet2 et de thé.

##Le secteur agricole indien dans le Plan national d’action sur le changement climatique

Depuis l’indépendance en 1947, les pouvoirs publics se basent sur le plan quinquennal comme principal instrument de la politique publique, fixant ainsi les objectifs et décrivant les moyens nécessaires pour les atteindre.

La sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté sont les principaux objectifs des politiques agricoles nationales avec un partage des pouvoirs entre le gouvernement central « loi ECA3» et les gouvernements des états « loi APMRA4 ».

L’Inde est une puissance agricole majeure possédant la quatrième surface agricole du monde.

L’agriculture représente la colonne vertébrale de l’économie indienne, c’est le premier secteur de l’emploi du pays avec 58,2% des actifs.

Le secteur agricole a enregistré une progression de 3,6% en 2012 et restera un secteur central en Inde pour les 15 ans à venir bien que sa part dans le PIB soit en baisse, passant de 30% en 1990-91 à 15% en 2012.

L’autosuffisance alimentaire reste un enjeu important pour lutter contre la sous-alimentation qui demeure très répandue.

Au-delà des programmes et des projets relatifs à la sécurité alimentaire du pays, l’agriculture indienne devra atteindre l’objectif de nourrir 230 millions de personnes supplémentaires en 2025. Cet objectif dépend directement de l’intégration des enjeux environnementaux dans sa politique agricole globale tel que la gestion durable des ressources et l’anticipation des effets du changement climatique.

Concernant la politique indienne vis-à-vis du changement climatique, il est important de préciser que l’Inde a été signataire en juin 1992 de la Convention Cadre des Nations-Unies sur le Changement Climatique « CCNUCC » et a ratifié le Protocole de Kyoto en août 2002.

Toutefois, l’Inde a été dispensée de réductions contraignantes d’émissions de GES sous ce protocole et refuse celles-ci tant que les pays riches n’ont pas adopté de réelles mesures de réduction de leurs propres émissions.
L’Inde a vu par la suite ses émissions totales en GES augmenter et leur part devenir l’une des plus importantes au niveau mondial. L’Inde est le quatrième émetteur mondial de GES mais ses émissions par habitant sont parmi les plus faibles au monde.

L’Inde a subi, avec d’autres pays, une pression des ONG qui s’est soldée en juin 2008 par la publication du Plan National d’Action sur le Changement Climatique « NAPCC5 ». Ce plan identifie huit domaines et objectifs prioritaires appelés « missions nationales » interministérielles, dont celle de l’agriculture durable. Les différentes missions analysent la situation, étudient les options disponibles, assurent la recherche et le développement et proposent les réformes politiques nécessaires pour le changement.

Une étude de l’Indian Council for Research on International Economic datant de mai 2012, intitulée « Impact of Climate Change on Agriculture and Food Security », a mis en avant les risques pour l’agriculture indienne d’une élévation de la température de plus de 2°C dans le pays.

En complément lire : Les défis de l’agriculture indienne face au changement climatique

Le dérèglement climatique touche l’environnement, la société et l’économie. L’ampleur et les coûts de ses impacts augmenteront si la situation se dégrade davantage, mais il est très difficile de préciser ou de chiffrer les coûts économiques du phénomène. On ne peut que lister les impacts économiques de ce dérèglement et des mesures visant à en atténuer les effets.

Selon le FMI6, les mesures d’atténuation peuvent avoir des conséquences macroéconomiques d’une portée considérable, mais seront moins onéreuses que l’inaction.

Parmi les impacts économiques majeurs de ce phénomène, nous nous intéresserons très brièvement à ceux qui touchent le secteur agricole et le monde rural. En effet, la multiplication et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes (cyclones, ouragans) ainsi que la modification des régimes de précipitations, entraînant inondations et sécheresses, ont des répercutions directes sur la production agricole, causant perte et réduction des rendements et par conséquent perte ou diminution des revenus des agriculteurs et de leurs foyers. Cette perte de production entraîne également la volatilité des prix des produits agricoles.

La variabilité de ces événements d’une année sur l’autre produit une perte des repères et des bases de conduite technique chez les agriculteurs causant ainsi des grandes pertes agricoles.

Un élément supplémentaire à prendre en compte, celui de l’inégalité des individus face au bouleversement climatique ; les plus défavorisés seront probablement les plus affectés et le plus rapidement.


Sources d’informations :


Notes de bas de page :

  1. L’indice de développement humain (IDH) est un outil statistique qui évalue le niveau de santé/longévité, le niveau de savoir/éducation et le niveau de vie de la population d’un Etat. 

  2. Le millet est une plante annuelle herbacée de la famille des graminées dont la culture est vivrière. C’est une céréale secondaire, cultivée pour ses graines et bien adaptée aux zones semi-arides. 

  3. Loi relative aux produits de base essentiels ou « Essential Commodities Act – ECA », 1955. 

  4. Loi portant réglementation du marché des produits agricoles ou « Agricultural Produce Market Regulation Act – APMRA .» 

  5. NAPCC : National Action Plan on Climate Change. 

  6. FMI : Fonds Monétaire Internationale. 

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