La domestication d'une plante cultivée et les transposons
Source : tweets publiés sur le compte twitter @plantoscope, le 14.07.2017
Par « Le Plantoscope » - Modifié, illustré et commenté par l’auteur de cette page.
Une IRM végétale mystère
De quelle plante s’agit-il ?
Expérience - Le jour, Andy Ellison travaille comme technicien en imagerie dans un laboratoire de l’école médicale de l’Université de Boston. Mais lorsque l’appareil d’imagerie qu’il manipule au quotidien n’est pas occupé par un patient, Andy Ellison l’utilise de manière plus originale en y introduisant des fruits et des légumes.
Une démarche artistique - Cette idée pas si saugrenue que cela lui est venue lors d’une panne de l’appareil. Le technicien a alors recalibré son appareil en faisant des tests sur une orange plutôt que sur le cerveau d’un patient. Séduit par l’esthétique des images ainsi obtenues, Andy Ellison a alors renouvelé l’expérience avec d’autres fruits. Et le succès sur son blog a été immédiat.
Les images tridimentionnelles ainsi obtenues, il ne restait alors plus qu’à les transformer en « GIF animé » pour obtenir les spectaculaires séquences ci-dessus.
En savoir plus : Comment fonctionne une IRM ?
Vidéo de la chaîne Youtube de l’Université des Sciences en Ligne (Unisciel)
Zea mays
Le maïs de la famille des Poacées est la plante la plus cultivée au monde, devant le blé et le riz.
L’exemple de la domestication des plantes
La téosinte, l’ancêtre du maïs, est cultivée depuis près de 9000 ans.
A lire : Des OGM qui se muent en espèces invasives en Espagne ?
Un article, publié le 6 mars 2016 sur le site « Le Nouveau Paradigme » qui montre bien la parenté étroite entre la téosinte et le maïs, susceptibles de se croiser et de produire des descendants communs.
L’origine
Originaire d’Amérique centrale, le maïs est cultivé par les Aztèques depuis des millénaires et n’arrive en Europe qu’avec Christophe Colomb.
Le dieu du maïs
Les Aztèques ont même un dieu du maïs, Centeotl.
Dans les mythologies mésoaméricaines, Centeotl (parfois appelé Centeocihuatl ou Cinteotl) était un dieu du maïs (mais originellement une déesse). Son nom signifie littéralement « dieu du maïs » : en nahuatl, langue des Aztèques, « centli » signifie maïs et « teotl » dieu.
Il était le fils de Tlazolteotl et le mari de Xochiquetzal. Centeotl était aussi la version masculine de Chicomecoatl. Ce dieu passait pour être une divinité duelle, homme et femme à la fois.
D’après la cosmogonie nahua, c’est-à-dire de la mythologie mexica, il naquit de l’union de Piltzintecuhtli et de Tlazolteotl. Après sa naissance, Centeotl se réfugia sous la terre.
Le grain de maïs
Le maïs tel qu’il est actuellement a été sélectionné pour ses nombreux grains, très riches en amidon.
Une précision de vocabulaire
Le terme technique pour désigner un grain sec comme le maïs, soudé via son enveloppe (ou tégument) est un caryopse.
L’amidon contenu dans un grain
On estime que le gène SU1, codant pour la protéine responsable de la transformation du glucose (C6H12O6) en amidon (C6H10O5)n date d’il y a 5300 ans.
En complément : voir les aires de jeux moléculaires associant des modèles en 3D de l’amidon et l’utilisation du réactif iodo-ioduré (ou lugol = eau iodée)
1 - le complexe iode et amidon ;
2 - la réaction au lugol
Avertissement : sur certaines des pages proposées en lien, selon le matériel informatique dont vous disposez et la connexion internet mise à disposition, attendre un instant avant le chargement du modèle et/ou le lancement de certains scripts.
Les mutations génétiques
C’est un exemple de la façon avec laquelle la sélection peut affecter les caractéristiques d’une espèce.
Rien de nouveau
Tout cela, vous le saviez à peu près tous depuis que vous avez eu un cours de SVT.
Alors parlons sexualité du maïs.
Des fleurs unisexuées
Peut-être l’ignoriez vous, mais les fleurs sont unisexuées, séparées sur le pied de maïs et arrivent à maturité à des moments différents.
La plante est « monoïque ». Ceci permet de limiter l’autofécondation et d’assurer un meilleur brassage génétique.
Le panicule (♂)
Les fleurs mâles (♂) sont regroupées tout en haut du pied, dans une inflorescence que l’on appelle le « panicule » et vont libérer le pollen.
Les soies (♀)
Les fleurs femelles (♀), sont des « soies », chargées de capturer les grains de pollen disséminés par le vent.
Couic
Pour être sûr d’éviter à 100% l’autofécondation, on peut castrer le plant de maïs en lui coupant le panicule.
Mais bon
En fait vous parler du maïs, c’était surtout une occasion de vous parler de biologie moléculaire.
Une scientifique à l’honneur
Barbara McClintock : une biologiste qui a passé toute sa vie à étudier la génétique du maïs.
Le brassage intrachromosomique
Pionnière dans ce domaine, elle est la première à décrire la recombinaison des chromosomes lors de la méiose en 1930.
Les variations de couleurs des grains de maïs
C’est aussi la seule à comprendre pourquoi les grains de maïs subissent des variations de couleurs.
Dans les années 40, elle conceptualise la notion d’éléments génétiques mobiles, capables de « sauter » et de perturber l’expression des gènes.
Tout cela bien avant que Francis Crick ne formule le « dogme » de la biologie moléculaire en 1958 : « ADN > ARN > protéine ».
Historique - En 1951, la biologiste Barbara Mac Clintock, travaillant sur le maïs, observe des résultats qu’elle ne peut expliquer avec la génétique mendélienne classique ; elle démontre qu’ils sont dus à des déplacements spontanés de fragments d’ADN dans le génome.
Ces résultats - à l’encontre du dogme de la stabilité du génome - laissèrent sceptiques la plupart de ses collègues.
A partir de 1970, des éléments mobiles furent trouvés chez les eubactéries puis chez toutes les espèces où ont les a recherchés (eucaryotes, eubactéries, virus).
Le prix Nobel
Au final, on ne comprend l’importance de ses travaux que dans les années 60, et elle reçoit un prix Nobel (amplement mérité) en 1983.
Les transposons
Définition - On nomme transposons ou « éléments génétiques mobiles » ou « gènes sauteurs » des segments d’ADN capables de sauter d’un endroit à un autre du génome en s’insérant n’importe où, y compris dans des gènes dont ils modifient le fonctionnement.
On sait désormais que les éléments génétiques mobiles (ou transposons) se déplacent effectivement de façon autonome, de plusieurs façons, dans un génome.
La transposition, un mécanisme d’acquisition d’un nombre variable de copies (CNV)
La transposition est un mécanisme qui permet à une séquence d’ADN, nommée transposon, de se déplacer et de se multiplier de manière autonome dans un génome.
→ Elle s’effectue de deux façons :
- en excisant un fragment d’ADN puis en le recollant en un autre endroit du génome (couper/coller, cut and paste). Les éléments de cette classe représentent environ 2% à 3% du génome humain.
- en copiant un fragment d’ADN en ARN, lui-même rétrotranscrit en ADN, avant sa réinsertion en un autre endroit du génome (copier/coller, copy and paste). Les éléments de cette classe représentent plus de 40 % du génome humain.
→ De façon générale, les transposons représentent 17 % du génome chez Arabidopsis thaliana, 18 % chez Drosophilia melanogaster, 45 à 50 % chez l’humain, 50 % chez Zea mays.
En savoir plus : les transposons et l’évolution des génomes
La transposase et la transposition d’éléments mobiles
De façon simple : une protéine, la transposase est capable de reconnaître les séquences d’ADN transposables.
D’en rapprocher les extrémités…
De couper la séquence transposable, laissant derrière des cassures double brin qui vont être réparées par la cellule…
Puis finalement d’intégrer cette séquence à un autre endroit. Si cet autre endroit est un gène, cela peut perturber son expression.
Source des animations moléculaires du mécanisme de transposition : gifs animés extraits de : « DNA cut-and-paste transposition » - Voir la vidéo complète sur la chaîne YouTube Oxford Academic (Oxford University Press) - Version anglaise.
La conséquence de la transposition du gène responsable de la couleur des grains
Suite à une transposition, dans le cas d’un gène impliqué dans la coloration des grains de maïs, on peut se retrouver avec des zones qui ne produisent plus de pigment.
Rétrospectivement
Ca a l’air trivial en 2017, mais Barbara McClintock avait déjà compris tout cela il y a 80 ans avec presque juste du maïs et un microscope.
Remerciements
Alors on dit merci le maïs et chapeau l’artiste !
Ressources complémentaires
Sitographie
- La plante domestiquée, par Marine Morandeau - L’exemple de la téosinte et du maïs.
Bibliographie
- Un ouvrage intitulé « Les Iroquoiens du Saint-Laurent, peuple du maïs », dresse un portrait détaillé de la relation particulière entretenue depuis le fond des âges avec cette plante qui a failli disparaître de notre alimentation avec l’arrivée des français sur le continent américain.