« Appel de l’océan pour le climat »
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##Avec le réchauffement, l’océan devient corrosif
Source : article publié sur le site internet du journal Le Monde.fr, le 09.06.2015
Par Martine Valo - Modifié, illustré et commenté par l’auteur de cette page.
« Les océans sont des alliés décisifs dans la bataille pour le climat. Je souhaite que pendant la COP21, une journée leur soit consacrée »
— a annoncé Laurent Fabius devant l’Unesco, à Paris, lundi 8 juin.
Le ministre des affaires étrangères, qui va présider la conférence sur le climat en décembre (COP21), était venu montrer, à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan, qu’il n’oubliait pas la source de 90 % de notre eau.
Pour autant, les négociations entre Etats sur la lutte contre le réchauffement de la planète ne font que mentionner cet immense écosystème souvent oublié.
Au Bourget, où se tiendra la COP21, c’est dans le cadre des rencontres ouvertes à la société civile qu’il sera débattu du milieu marin.
Des systèmes d’alerte et des projets protégeant les littoraux et leurs populations pourraient être financés, a suggéré M. Fabius, grâce notamment au Fonds vert pour le climat, l’outil onusien qui doit permettre aux pays en développement de s’adapter au dérèglement climatique.
Pour les petites îles situées sous la menace directe de la montée des eaux, le temps presse, a-t-il plaidé.
En réalité, il apparaît de plus en plus clairement que la détérioration de la santé de l’océan va frapper la Terre entière.
« On entend trop souvent dire que la forêt est le poumon de la planète, mais deux poumons valent mieux qu’un pour respirer. L’océan absorbe du gaz carbonique, produit de l’oxygène, emmagasine énormément de chaleur, a rappelé le ministre. Je souhaite qu’il ait toute sa place à l’avenir dans le débat. »
Certains verront ce vœu comme un renvoi à plus tard, à d’autres conférences sur le climat à venir.
Pourtant, la journée de rencontre organisée par la commission océanique intergouvernementale (COI) de l’Unesco et la Plateforme océan et climat, qui rassemble des instituts de recherche, des ONG ou des fondations, a montré qu’il y avait urgence.
Sur notre planète, il n’existe qu’un – et non pas des – océan, qui joue un rôle fondamental dans la régulation du climat, tandis qu’en retour, le réchauffement atmosphérique a un impact déterminant sur ce milieu.
Déjà, 97,5 % de l’évaporation dont dépend la pluviométrie vient de l’océan.
Non seulement près de sa surface éclairée par le soleil, il abrite un écosystème planctonique qui fournit de l’oxygène selon le principe de la photosynthèse, mais il stocke en outre près de 30 % des émissions de dioxyde de carbone dues aux activités humaines dans ses sombres profondeurs, explique Françoise Gaill.
« Il en contient 50 fois plus que l’atmosphère »
— précise cette directrice de recherche au CNRS qui coordonne le comité scientifique de la Plateforme océan et climat.
« Cela génère une dilatation qui provoque la montée des eaux, de façon non homogène. Et ce mécanisme va s’accentuer avec la fonte des glaces. »
A lire : « L’océan absorbe 30 % des émissions de CO2 dues aux activités humaines »
On pourrait s’en consoler en constatant que le milieu marin agit comme une formidable pompe à carbone.
Il est plus efficace que les forêts, compte tenu de son immensité – il couvre 71 % de la surface de la Terre – pour freiner l’emballement des émissions de gaz à effet de serre.
Mais jusqu’à quand pourra-t-il jouer ce rôle ?
Au cours de la dernière décennie, l’océan mondial a absorbé 2,6 milliards de tonnes de carbone par an, ce qui contribue à son acidification.
Ce phénomène, plus aigu dans une eau qui se réchauffe, a des conséquences redoutables sur la biodiversité.
Les animaux marins ne parviennent plus à fabriquer leur coquille, squelette et autres structures calcaires.
Les coraux et les ptéropodes – de petits mollusques en forme d’escargot – représentent des espèces sentinelles aux yeux des scientifiques.
Dans l’océan Austral ou sur la Côte ouest des Etats-Unis, ils commencent à se dissoudre.
A lire : L’acidification des océans aura d’importantes conséquences pour la biodiversité
« Des pêcheurs ont fermé boutique »
— témoigne Linwood Pendleton, de l’université de Bretagne occidentale.
Il y a pire : un quart des coraux seraient déjà affectés dans le monde. Or ces récifs ne se contentent pas d’abriter une multitude de poissons, ils servent aussi de barrières naturelles dans des pays souvent frappés par les cyclones.
« La vaste zone indo-pacifique, en particulier entre l’Australie et le Japon, où il y a de fortes concentrations de population sur les côtes, est la plus à risque »
— avance Linwood Pendleton.
86 % des espèces marines ont disparu
L’acidité a augmenté de 30 % dans le milieu marin en 250 ans. Au rythme actuel, elle pourrait tripler dans les eaux de surface d’ici à la fin du siècle.
« Le carbone aime l’eau où il se transforme en gaz acide »
— explique Jean-Pierre Gattuso, l’un des principaux spécialistes français du sujet, qui travaille au Laboratoire océanographique de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes).
« Chacun de nous, par l’ensemble de nos activités, en ajoute en moyenne 4 kilogrammes par an, prévient-il. L’échelle du pH de l’eau va de 0, le plus acide, à 14, le plus basique. L’océan était à 8,03 en 2010, contre 8,20 en 1800. »
La planète a déjà connu des épisodes chaotiques, préviennent plusieurs océanographes comme pour parachever un tableau déjà sombre.
« Il y a 252 millions d’années, une grande injection de carbone dans l’eau a produit une augmentation de la température de 3 à 5 degrés en 10 000 ans, expose ainsi Patrizia Ziveri, de l’université autonome de Barcelone. Alors que le pH a baissé de 0,5, on estime que 86 % des espèces marines ont disparu et presque autant sur la Terre. »
La journée de l’Unesco s’est conclue par un solennel « Appel de l’océan pour le climat ».
Lire l’appel sur le blog de la Plateforme océan et climat
L’intégration de l’océan dans les négociations politiques en cours n’aura peut-être qu’un impact limité sur ces bouleversements chimiques, mais pourrait permettre d’aborder en urgence la question de l’adaptation aux changements.
L’alimentation – le poisson est de loin le premier fournisseur de protéines animales –, la vie sur un littoral qui s’érode, le tourisme, l’emploi : toutes ces questions relient l’humain à un écosystème essentiel.
##Plateforme océan et climat
La Plateforme Océan et Climat regroupe des organismes scientifiques, des universités, des institutions de recherche, des associations et des fondations, tous impliqués pour une meilleure prise en compte de l’océan dans les négociations climatiques.
Elle a été créée le 10 juin 2014, à l’occasion de la journée mondiale des océans, avec l’appui de la commission océanographique intergouvernementale de I’Unesco.
Voir en ligne : www.ocean-climate.org
##Faites entendre la voix de l’océan !
Description : Un Océan en bonne santé, c’est un climat préservé. Ensemble, faisons entendre la voix de l’Océan ! - #OceanforClimate
Source : Ensemble, faisons entendre la voix de l’Océan !
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